La compétence pour réglementer les pesticides appartient à l'État et non aux maires. C'est ce que vient de trancher le Conseil d'État (1) en rejetant le pourvoi de la commune d'Arcueil dont le maire, à l'instar de beaucoup de ses homologues, avait pris en septembre 2019 un arrêté anti-pesticides.
Si le code général des collectivités territoriales habilite le maire à prendre les mesures de police générale nécessaires au bon ordre, à la sûreté, à la sécurité et à la salubrité publiques, « celui-ci ne peut légalement user de cette compétence pour édicter une réglementation portant sur les conditions générales d'utilisation des produits phytopharmaceutiques qu'il appartient aux seules autorités de l'Etat de prendre », cingle le Conseil d'État.
Arrêté emblématique du maire de Langouët
Le débat sur la réglementation locale des pesticides avait été médiatisé par l'arrêté pris par le maire de Langouët en mai 2019. L'élu breton avait interdit leur utilisation dans un rayon de 150 mètres autour des habitations. Il avait été suivi par de nombreux autres maires à travers toute la France. Mais très rares sont les arrêtés qui, déférés par les préfets, ne sont pas tombés devant les tribunaux administratifs.
Le Conseil d'État douche les derniers espoirs des maires, y compris ceux qui avaient pris leur arrêté durant le deuxième semestre 2019. Soit entre l'annulation, pour insuffisance de protection des habitants fortement exposés, de l'arrêté ministériel de 2017 réglementant les pesticides et l'adoption du nouveau dispositif réglementaire national en décembre 2019.
« Niveau élevé de protection de la santé »
Le Conseil d'État rappelle que le législateur a organisé une police spéciale de la mise sur le marché, de la détention et de l'utilisation des produits phytopharmaceutiques confiée à l'État. Son objet, ajoute-t-il, est conformément au droit de l'Union européenne, « d'assurer un niveau élevé de protection de la santé humaine et animale et de l'environnement tout en améliorant la production agricole » mais aussi « de créer un cadre juridique commun pour parvenir à une utilisation des pesticides compatible avec le développement durable, alors que les effets de long terme de ces produits sur la santé restent, en l'état des connaissances scientifiques, incertains ». La Haute juridiction met aussi en avant la procédure de délivrance des autorisations de mise sur le marché. L'Anses peut délivrer ces autorisations « s'il est démontré, à l'issue d'une évaluation indépendante, que ces produits n'ont pas d'effet nocif immédiat ou différé sur la santé humaine », assurent les juges du Palais Royal.
En cas de risque exceptionnel et justifié, ajoute la Haute juridiction, le préfet pourra également prendre toute mesure d'interdiction ou de restriction de l'utilisation des pesticides nécessaire à la préservation de la santé publique et de l'environnement « avec une approbation dans les plus brefs délais du ministre chargé de l'agriculture ».
« Le Conseil d'État ne fait pas confiance aux maires »
« La question était de savoir si le juge allait ou non laisser une place complémentaire à l'exercice du pouvoir de police générale des maires en ce domaine », explique l'avocat Éric Landot. Le Conseil d'État répond ici de façon tranchée par la négative.
Pourtant, cette réponse n'était pas si évidente selon ce spécialiste du droit public. Le juge administratif admet dans certains cas que le maire puisse intervenir dans des domaines où l'État dispose d'un pouvoir de police spéciale. Mais, selon l'avocat, la réglementation des pesticides fait partie des domaines très techniques et scientifiques où « le Conseil d'État ne fait pas confiance aux maires». Ce dernier l'avait déjà démontré dans le domaine des OGM et, plus récemment, de celui des compteurs Linky.
Compte tenu de cette jurisprudence, l'association Générations futures se dit déçue mais pas vraiment surprise de la décision du Conseil d'État. « Il paraît étrange d'accorder finalement ce pouvoir au travers des chartes aux utilisateurs de pesticides qui deviennent donc juges et parties », pointe Nadine Lauverjat, coordinatrice de l'association. « Le maire restera et doit rester un recours pour les riverains qui constatent le non-respect de la règlementation », affirme-t-elle, alors que l'ONG attend l'issue des procédures au fond qu'elle a engagées contre les textes nationaux.